Souvenirs, souvenirs : Le Cancre

Il dit non avec la tête,

Mais il dit oui avec le cœur.

Il dit oui à ce qu’il aime,

Il dit non au professeur.

Il est debout :

On le questionne

Et tous les problèmes sont posés.

Soudain le fou rire le prend

Et il efface tout,

Les chiffres et les mots,

Les dates et les noms,

Les phrases et les pièges,

Et malgré les menaces du maître,

Sous les huées des enfants prodiges,

Avec des craies de toutes les couleurs,

Sur le tableau noir du malheur,

Il dessine le visage du

BONHEUR 

Jacques Prévert

                                                                                                          

Il y a quelques jours, je suis revenue à l'école me replonger un peu dans une ambiance que j'ai quittée il y a maintenant presque deux ans. Cela m'a rappelé de bons souvenirs et j'ai retrouvé avec plaisir une image qui me parle toujours : celle du cancre !

Dans son livre "Hier notre école" la journaliste Loly Clerc les définit ainsi :

"Présents dans chaque classe, les cancres forment une petite po-pulation sympathique qui lambine d'une année à l'autre, installée au dernier rang, occupée à des activités parallèles (étude des mouches en vol ou des nuages, griffonnage, lancement de boulettes, sieste) jusqu'au moment où leur destin les projette dans deux voies radicalement différentes. Dans le premier cas, comme la chenille devient papillon, le cancre se transforme d'une année sur l'autre - et devient bon élève. Est-ce dû à un nouveau maître, qui le comprend mieux ? À un changement dans sa vie ? La satisfaction de l'intéressé et des parents est telle qu'on ne se pose pas de questions. L'autre voie, c'est la sortie définitive : apprentissage, lycée professionnel. Le cancre éjecté se transforme lui aussi. Il quitte la position fixe à côté du radiateur pour un destin plus actif.

D'où vient ce mot ? L'explication est fournie par un dictionnaire des néologismes datant de 1801 : "Cancre, sorte d'écrevisse ; la lenteur et la pesanteur de sa marche ont fait donner son nom aux écoliers paresseux, parce qu'on suppose qu'ils se traînent paisiblement ou parce qu'au lieu d'avancer, ils marchent à reculons." On croirait une blague, et pourtant, c'est le Grand Robert qui parle ainsi !"