Il était une fois... non, ce dont je vais vous parler n'est pas un conte de fées ou une légende ! ce sont simplement des souvenirs de mon enfance mais il est vrai que, dans ma tête et dans mon coeur, j'ai bien l'impression que tout cela était féérique.
Ai-je vraiment vécu cela ou l'ai-je simplement rêvé ? Je n'ai pas retrouvé de photos qui puissent l'attester mais dans ma mémoire, il me semble que c'était hier...
Tout au long de l'après-midi du 24 décembre, la famille arrivait chez Opa et Oma (parfois aussi les voisins) et tout ce petit monde s'installait dans la Stub, sur la Eckbank (banc de coin) non loin du Kachelofen. L'air embaumait d'odeurs de sapin, d'oranges, de cannelle, de vin chaud que Oma avait préparé et, pendant que les adultes papotaient, les enfants jouaient au "Mensch ärgere dich nicht" (jeu de petits chevaux). Vers 20h, nous nous mettions tous à table pour le repas, souvent de la soupe de pot-au-feu avec des quenelles de moelle puis du lapin (tué le matin même par Opa et que je rechignais à avaler) et de pâtes que nous avions aidé Oma à préparer la veille. À la fin du repas, nous mangions quelques "bredeles" car pour le vrai dessert il nous fallait attendre le retour de la Christmette, la Messe de Minuit.
Les clapiers des lapins avaient été nettoyés la veille et ils avaient eu droit à une ration supplémentaire de foin et de pain trempé dans du café au lait dont ils raffolaient. Les poules, coq, canards, oies avaient droit eux aussi à leur repas de fête. Je ne sais pas si selon la croyance les animaux parlaient pendant la nuit de Noël, nous étions bien trop occupés à nous amuser en attendant l'arrivée du Christkindel.
Enfin, le tintement d'une clochette annonçait l'arrivée tant attendue : la Dame Blanche symbolisant le Christkindel ! elle était vêtue d'une robe blanche et toute enveloppée de voiles blancs. Nous ne voyions pas son visage mais sur sa tête brillait une couronne de lumière, avec 6 ou 8 petites bougies. Mais de suite derrière arrivait le Hans Trapp, vêtu de fourrures sombres, le visage tout noir et grimaçant. Avec une main, il secouait une chaîne et l'autre tenait un grand sac dont dépassait un gros bâton. Le Christkindel nous demandait d'une voix fluette si nous avions été gentils tout au long de l'année, si nous avions bien travaillé à l'école et à la maison, si nous étions obéissants... Parfois, il demandait même à voir nos bulletins et nous n'étions pas vraiment rassurés ; les tout petits se cachaient souvent sous la table ou derrière les adultes qui, eux aussi étaient menacés par le Hans Trapp s'il y avait des doutes quant à leur conduite. Parfois ils prenaient aussi quelques coups de bâton ! Puis nous récitions quelques prières et chantions des cantiques et des chants de Noël.
Enfin venait le moment de la distribution des cadeaux que le Christkindel sortait du grand sac pour récompenser les enfants et les adultes de leurs efforts tout au long de l'année tout en leur faisant promettre d'en faire encore plus pendant l'année à venir. Oma et Opa remerciaient les deux personnages en leur offrant une boîte des bredeles que nous avions confectionnés depuis la Saint Nicolas et une petite bouteille de schnaps. Puis la petite clochette résonnait à nouveau et ils partaient visiter les autres maisons.
Nous avions tout juste le temps de déballer nos cadeaux avant de nous mettre en route pour la "Christmette" * ou Messe de Minuit sans oublier de mettre dans le feu la grosse buche que nous avions décorée avec du houx, du gui et un beau ruban rouge et que Oma avait aspergée d'eau bénite. Le poêle était mis au ralenti pour qu'elle ne se consume pas trop vite car dès le retour de l'église, Opa la ressortait du feu et la posait dehors en attendant de pouvoir la mettre le lendemain matin dans une boîte au grenier afin que la maison soit protégée de la foudre.
À notre retour, nous déposions le Petit Jésus dans la crèche. Nous trouvions aussi, au milieu de la table, une belle coupe en verre remplie d'eau. Oma y déposait une rose de Noël et nous regardions avec étonnement le miracle s'accomplir tout doucement. Cette rose était une Rose de Jéricho, une plante séchée fermée comme un bouton de rose, que Oma gardait précieusement depuis des années et qui s'ouvrait et reverdissait au contact de l'eau. Le lendemain, elle était de nouveau sèche et reprenait le chemin de la boîte dont elle avait été sortie juste pour une nuit.
Mais il y avait aussi, et c'est ce qui nous importait le plus, le dessert : une bûche en biscuit achetée chez le boulanger car Oma prétendait ne jamais réussir la crème au beurre ! Personne ne nous obligeait à aller nous coucher ; parfois les plus petits s'endormaient à table ou par terre, sur une couverture, avec leurs jouets. Puis Oma préparait à nouveau du vin chaud et du café pour les femmes, les hommes se versaient de petits verres de schnaps pour "goûter" et comparer ce que certains avaient produit eux-même., le droit de distiller était encore héréditaire en ce temps là !
* Christmette : désigne à l'origine la "prière du matin" chantée lors de la fête de Noël mais elle fut rapidement déplacée à la veillée de Noël. De nos jours, ce terme désigne couramment la Messe de Minuit.
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