La Légende des 2 sapins de l'église Ste Aurélie
Le soir de Noël, un enfant pauvre allait de porte en porte, il frappait et disait :
Voulez-vous
mes deux petits sapins ? Vous y attacherez des boules d’or et des étoiles de
papier… C’est bien amusant pour les enfants…
Mais à chaque maison, les gens lui répondaient :
Il est trop tard, il y a longtemps que les arbres de Noël sont
achetés !... Passe l’an prochain !
Et l’enfant se désespérait, car il n’y avait pas de pain chez
lui. Son père était très vieux, sa mère malade, et les deux autres enfants au
berceau. Après bien des demandes et bien des réponses indifférentes ou dures,
il se trouva devant la maison d’Eidel le jardinier.
A-t-on jamais eu l’idée de vendre des sapins à l’homme dont
c’est le métier de les faire pousser ? Le pauvre innocent frappa et la grosse
voix d’Eidel lui répondit : Qui frappe à pareille heure ? L’enfant n’osa
répondre.
Mais qui frappe chez moi quand je veux être en paix ? reprit
Eidel et ses sabots claquèrent sur le plancher. Il ouvrit sa grande porte, et
l’humble quémandeur aperçut un arbre magnifique, tout rutilant, tout chargé de
richesses et qui jeta sa vive lueur jusque dans la rue déserte. Et trois
enfants assis près d’un bon feu regardaient au foyer la dinde de Noël qui
cuisait dans son jus.
Qu’est-ce que tu veux, petit ? demanda Eidel, tu as l’air d’un
béjaune avec tes deux sapinots rabougris ! L’enfant se tenait tout triste parce
qu’il comprenait que sa dernière espérance s’était envolée.
Le froid entre chez moi, reprit le jardinier. Parle vite ou je
te ferme la porte au nez ! C’était un homme qui avait le ton bourru. Autant
dire qu’il était bon. Il regarda le déshérité qui avait l’âge de ses enfants,
et qui, pieds nus dans la neige, n’osait même pas lever les yeux. Il parla
d’une voix radoucie.
Que veux-tu ? Je te donnerai suivant mon possible…
Vendre mes deux sapins, pour Noël… mais le vôtre est bien plus
beau.
N’importe
! dit Eidel. Donne-les moi !
Et il alla quérir une
pièce d’or qu’il gardait en réserve dans un tiroir. Ce que voyant, le pauvre
petit ne pouvait en croire ses yeux, et pensait que l’homme se moquait de lui.
Mais les enfants lui donnèrent chacun une cuisse de la dinde, et
la mère, dans un bol, une part de bonne soupe chaude, et le chien aussi fut
aimable pour lui et lécha bonnement ses mains rougies par le froid. Alors, il
osa croire à sa joie, il remercia du mieux qu’il put et rentra chez lui,
heureux comme une alouette au printemps.
Cependant Eidel, qui n’aimait pas les attendrissements, jeta
dans un coin les deux sapins du pauvre, et se mit à table. Le repas fut bon, la
dinde bien cuite, le vin bien frais, puis chacun s’en fut se coucher.
Le lendemain matin, jour de Noël, les enfants d’Eidel se
battaient dans la neige, en attendant l’heure de la messe, ils prirent les deux
arbustes et par jeu, pour imiter leur père, s’en furent les planter derrière
l’église. Et les cloches sonnèrent. La foule prit place dans la nef et les
bas-côtés. Les chants célébraient la gloire du Sauveur des hommes, et le
jardinier se disait qu’on n’est jamais trop bon pour les enfants pauvres,
puisqu’ils sont les frères véritables de celui qui est né dans une étable parce
qu’on ne voulait de lui nulle part. Mais quand la messe fut dite, quand les
cierges furent éteints, l’encens dissipé, l’église déserte, la foule sur la
place cria au prodige.
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